Thursday, May 14, 2015

Deux maitres de la santé et le thé

Docteur Sharon Moalem et docteur Bernard Erler
Quel est l'impact du thé sur la santé? Mes lecteurs réguliers savent que c'est une question que je n'aborde pratiquement pas ou alors de manière oblique. En effet, mon intérêt pour le thé est gustatif et esthétique. C'est le plaisir avant tout. Et quand des fermiers/vendeurs parlent des vertus médicinales du thé, j'ai du mal à m'intéresser à leur discours pleins de clichés car ils n'ont pas de formation médicale.

Or, juste avant mon départ pour les Etats-Unis, je reçois la visite de Dr. Sharon Moalem de NYC. Il est médecin, chercheur et auteur de livres sur la santé. Il se spécialise notamment sur l'impact de notre histoire génétique sur notre santé. J'invite mon père, médecin, à joindre notre discussion. A 67 ans, il adore le thé et exerce toujours en Alsace. Médecin généraliste, il a aussi étudié l'accupuncture et a mis au point une technique (innovatrice et très efficace) de soins des douleurs qui repose sur le massage des muscles trop contractés.

Concubine Oolong de 2015
(Durant notre conversation, nous buvons de mon Concubine Oolong organique infusé dans une grande théière en zisha d'Yixing. Aussi, pour illustrer cet article, j'ai choisi ces photos de la version du printemps 2015 de ce même thé.)

Pourquoi Dr. Moalem vient-il me voir alors que je ne parle pas de santé dans mon blog? Je lui pose la question directement. Il nous explique qu'il traite ses patients qui ont des problèmes liés au surpoids (cholestérol, diabète...) avec du Oolong!

Son diagnostic est que les habitudes alimentaires d'un grand nombre de personnes ne correspondent pas à leurs gênes. Ainsi, les populations afro-américaines qui ont des ancêtres 'chasseurs et ramasseurs' digèrent bien la viande, mais pas les féculents, par exemple. De plus, la plupart des gens mangent trop gras et sucrés de nos jours. Les sodas sucrés sont particulièrement néfastes.
Cependant, il trouve difficile, voire impossible, de changer les habitudes alimentaires des patients qui viennent le voir au Mt. Sinai Hospital. Mais il arrive parfois à les convaincre de faire un petit changement: boire du Oolong à la place de leur boisson habituelle. Et il constate alors une amélioration très nette du cholestérol, de la tension artérielle, voire même du poids... chez ses patients!
Au départ, il avait prescrit du thé vert suite aux nombreuses études japonaises sur le sujet de la santé. Mais certains patients ne le supportaient pas et rencontraient des problèmes gastriques. Pour Dr. Moalem, cette réaction s'explique par un système de protection génétique chez la feuille: afin de ne pas être mangée par les insectes ou animaux, les feuilles de thé sont un petit peu toxiques à l'état cru. C'est pour cela que le thé vert est agressif pour l'estomac (surtout quand on en boit beaucoup et/ou de manière concentrée). Or, pour que le thé fasse un effet, le patient doit en boire 4 verres (= 1 litre)!
Dr. Moalem recommande maintenant de boire du Oolong torréfié, et ce, durant les repas. Selon ses recherches, le Oolong a plusieurs effets sur le corps:
- il augmente un peu la faim, mais active aussi le métabolisme, ce qui fait que le corps consomme plus de calories,
- il empêche le foie d'absorber toutes les graisses du repas. Le gras finit donc évacué avec les selles au lieu de faire grossir.
- l'impact sur la prévention du cancer est relativement faible, cependant, selon son expérience.
Il y a aussi l'avantage de remplacer une boisson (trop) sucrée et froide par une boisson sans sucre (ou peu sucrée) et chaude. (Quoiqu'en été il conseille aussi de boire du Oolong glacé avec les repas).

Le premier but de la visite de Dr. Moalem chez moi est d'apprendre à mieux motiver ses patients de boire du Oolong torréfié. Qu'est-ce qui fait que j'aime tellement en boire (sans penser à ses bienfaits)? Je lui explique que le thé, quand il est de bonne qualité, me donne énormément de plaisirs. Préparer un Chaxi, c'est faire s'exprimer tous sens du thé: ses odeurs, son goût, ses couleurs, le toucher (des ustensiles et des feuilles) et le entendre silence feutré et apaisant autour de soi. Bien maitriser les gestes, c'est apporter une note de grâce et de bien-être mental. La joie devient particulièrement vive quand j'ai bien réussi mon thé. C'est ce qui me pousse sur la voie de l'excellence à chercher (et trouver!) des thés sublimes.
Nous en arrivons donc au second but de sa visite: savoir où trouver du bon Oolong. 3 catégories conviennent particulièrement à sa recherche:

1. les Hung Shui Oolongs. Ce sont les Oolongs torréfiés traditionnels dont les plus typiques proviennent de l'appelation de Dong Ding (Yong Lung, par exemple). Leur oxydation n'est pas trop faible et cela permet de mieux les torréfier. Ces Oolongs se bonifient avec le temps. Plus on les conserve, moins le côté sec de la torréfaction sera perceptible. Ils deviennent donc plus doux et moins tanniques.
Concubine Oolong du printemps 2015
2. Les Oolongs à morsures de criquet. Le degré d'oxydation de ces thés est élevé et ils sont donc particulièrement digestes, mais gardent la complexité et la fraicheur d'un Oolong. De plus, comme l'on recherche la morsure des Jacobiasca Formosana Paoli pour donner un goût plus mielleux au thé, ces plantations fonctionnent sans pesticides et certaines sont même bio, comme c'est le cas pour mes Concubine Oolong, par exemple. Celle de ce printemps est particulièrement fine et proche d'une beauté orientale...

Et si l'on veut boire du thé pour la santé, le mieux est d'en choisir un qui soit si bon et naturel qu'il est facile à infuser en grande théière également. C'est pourquoi je l'avais choisi pour accompagner notre discussion avec Dr Moalem.
3. Les Oolongs âgés. Ils combinent l'avantage des Hung Shui Oolongs ou d'une concubine avec la bonification du temps. Ils ont plus de finesse encore et sont encore plus simples à infuser. Car même à haute dose ils n'ont pas le caractère agressif d'un thé jeune. Ils sont peut-être un peu trop bons (et trop chers) pour une consommation quotidienne. Mais ils permettent de marquer des occasions spéciales avec des saveurs particulièrement uniques.

Conclusion santé: buvez du Oolong, mangez moins de sucre raffiné et bougez!

3 comments:

EG said...

Quite interesting to read about this doctor's use of oolong in his medical practice and it's wonderful that tea can be helpful for certain health problems. Very nice article!

I'm convinced that your own approach to tea also contributes to well-being. The experience of beauty, pleasure and feeling in touch with nature, is nourishing and refreshing in its own way. It all adds up.

Anonymous said...

Bonjour Stéphane,

Un sujet intéressant qui honore ces merveilleux thés.
Ces derniers nous offrent tant de richesses gustatives ! Les oolongs torréfiés révèleraient les mêmes propriétés que les Pu Er ? ...
Ce docteur a-t-il fait les mêmes observations avec des oolong non torréfiés ?

Les différents niveaux de fermentation jouent surement un rôle différent, en plus de leur "digestibilité" ? ...

Réjouissant partage de compétences et de sensibilités entre vous trois !

Hélène

TeaMasters said...

EG,
Thanks for your comment.

Hélène,
J'ai montré du puerh cuit au docteur Moalem et il semblait moins le connaitre. Il a visiblement surtout travaillé avec des Oolong torréfiés.
Merci pour ton commentaire.